Un courant d'air glacial s'engouffra dans la pièce surchauffée lorsque les portes s'ouvrirent à l'entrée d'une silhouette enveloppée de brume.
Les voyageurs et consommateurs déjà installés dans la taverne ne prêtèrent guère attention à cette nouvelle arrivée, le froid et la nuit qui régnait au dehors décourageait la plupart de se détourner ne serait-ce qu'un instant de leur occupation, qu'elle soit alcool fort à siroter ou viande grillée et luisante de graisse pour caler les estomacs affamés par de longues marches. Trouver une place libre n'était pas une mince affaire et c'est dans un coin où la lumière vacillante des chandelles ne portait qu'à peine que ce nouvel arrivant s'installa.
Protégé des aléas de l'hiver par la chaleur humaine dégagée dans la pièce, il entreprit de se délester des couches protectrices de ses vêtements. Il ou plutôt elle, car en effet les épaisseurs de tissus humides masquaient le visage d'une jeune femme. Des lèvres épaisses et teintées de pourpre sous un nez mutin, des yeux brillants aux reflets d'or sous de longs cils d'ébène et le front parsemé de longues mèches de cheveux grenat se dévoilèrent alors dans leur plus humble splendeur. Sa peau semblait glacée, par le froid qui régnait au dehors peut-être, et pourtant, point de rose ne colorait ses joues, elle était magnifique, d'une pâleur marmoréenne, lisse et parfaite. Seul le léger souffle qui s'échappa alors de ses lèvres dans un soupir prouva à l'assemblée qu'elle était bien réelle. Car en effet, loin de l'inattention prêtée lors de son entrée, c'est à présent une multitude de regard qui s'était posé sur elle. Troublée sans doute par cet intérêt inattendu, la jeune femme esquissa un infime sourire. Plus que la réelle présence de celui-ci, ce n'était qu'une ombre qui s'était profilée, une brève illusion peut-être. Une serveuse s'avança vers elle alors qu'elle achevait de se découvrir et l'apparition à ses cotés de celle-ci ne renforça que plus l'évidence de sa beauté. La jeune serveuse semblait tout juste sortir de l'adolescence, d'une beauté douce et simple, de candides bouclettes de cheveux bruns encadraient son visage, peu fardée, ses joues étaient teintées du rose de sa bonne santé et de sa journée de travail qui s'achevait. Au moment où les lèvres de la Belle s'entrouvrirent, un dieu omnipotent et omniscient sembla avoir jeté sur le reste de l'assemblée une épaisse couverture de coton pour en étouffer les jurons et le brouhaha afin de boire tout à loisir les paroles qui s'échappèrent alors.
- " お酒を下さい。"